Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

Profil

  • Océane Descedres
  • un peu sorcière, un peu fée, selon les moments.
mon premier recueil écrit en espagnol est intitulé: 
pluie de mots.
  • un peu sorcière, un peu fée, selon les moments. mon premier recueil écrit en espagnol est intitulé: pluie de mots.

Texte Libre

Recherche

Archives

25 novembre 2019 1 25 /11 /novembre /2019 13:15

Ultime

Tout à la fin a une fin. Même ce couloir aboutit à une cellule. Ce couloir de la mort cet ultime passage.

Je voyage d’un bâtiment à l’autre, d’un espace coloré, d’une cellule animée, de murs vivants vers un autre espace solitaire, une ambiance lugubre et des murs ténébreux. Ca y est ! On m’a transféré dans le couloir de la mort… Je dois rester ici isolé,  coupé du monde, retiré du reste des prisonnières, à attendre ma condamnation, mon exécution, mon ultime châtiment. On m’interdit la vie, on me prépare à la mort.

Dans cette petite cellule quatre par quatre. Le clac de la porte coulissante qui se referme et qui s’agrippe au verrou me fait sursauter et m’impose la solitude. Ici le silence est maitre. Pas un bruit, ne vient perturber la sérénité même pas le haut-parleur qui de temps en temps donne des ordres, « Réveil ! » « Douche ! « Extinction des feux ! » Ici c’est la solitude, le calme plat.

Dans quelques heures, je pars. Je laisse ma vie, je rejette mes désirs, je me déshabille de mes rêves, j’étouffe mes frissons et je refoule mes envies sur terre. Je m’en vais. Pas que je le veuille de plein gré, mais comme conséquence de mes péchés. J’aurais aimé découvrir d’autres horizons, explorer d’autres endroits, mais la vie en a voulu autrement. Je quitte cette terre, ma mission s’arrête là, s’arrête à cet endroit où les rêves s’achèvent.

Debout encore, mon dos boude la grille. Je ne bronche pas. Je mesure l’espace. Je regarde la pièce, sombre et exiguë, elle est à peine meublée. Un matelas sur un muret en pierre presque à ras du sol, Un lavabo, une cuvette sans couvercle et c’est tout. Pas de table, pas de chaise, rien qu’on puisse bouger ou déplacer.

Comme c’est misérable. Combien vais-je rester là ? Quelques heures, une éternité sans doute. Le temps me paraitra long, trop long avant de mourir. Je resterai là croupissant des heures avant de voir la sentence s’accomplir.

Peut-on assimiler ce traitement à de la torture ? Je ne crois pas. C’est légitime. Ce sont les conséquences de mes actions.

 

Seule entre quatre murs, Je ressasse ma vie, une panoplie de photos en diapositive saccadée défile dans ma tête et se bouscule en fracas. Les souvenirs des différentes étapes de ma vie émergent. Des photos en noirs et blancs. Des photos en couleurs fanées. Il ne me reste plus rien. IL ne me reste que le peu. Le temps m’échappe, le temps m’abandonne et je suis une exilée responsable de mon propre exil, de ma propre pénitence. Je suis sereine comme si j’avais fait mon propre choix bien qu’il ne me reste que cet ultime choix, cette ultime trace de vie. Dans quelques heures, à l’aube, mes yeux se fermeront tandis que le soleil se lèvera sur un nouveau jour, un nouvel espoir, une nouvelle vie tandis que la mienne sera achevée.

 

C’est violent ! Mais je n’ai pas peur. Je suis passée par tant de choses que ce qui reste ne m’effraie plus. Ne m’épuise plus. J’attends ma propre fin soulagée, tranquille. La peur s’est éloignée de moi. J’ai tellement eu peur dans le passé, qu’elle m’a abandonné. J’ai tellement eu peur que je m’y suis habituée. Elle m’habite, elle me nargue de son absence. Les larmes se mêlent à l’angoisse. Je ne suis pas triste de soulager un chagrin, mais elles sont là, personne ne les a appelées. Elles se sont invitées pour me rassurer que se seront les dernières à couler, les dernières à tracer un sillon sur mes joues.

 

Qu’a-t-il après la mort ? Il n’y aura plus moi, ça c’est sûr ! Il y aura quoi ? Le regret de ce que j’aurai pu être ! Je souffle des mots dans ma tête et tout se bouscule avide, pressée de plus avoir le temps. Le compte à rebours est lancé et la course commencée, 3-2-1 partez. Le  tic tac est évident et flagrant. Je dois trouver le temps de tout dire, de tout me dire. Je ne veux rien dire aux autres, aucun mots, ni simples, ni complexes, ni sincères, ni ultime. Je garde tout pour moi. J’ai assez donné. Je veux devenir égoïste et tout garder pour moi à la fin.

Puis dire que je suis reconnaissante à la vie pour tout ce que j’ai eu et rencontré sur mon chemin  même cet ultime acte barbare? Tout a été des leçons, tous les gestes, toutes les conversations, tous les amours et surtout toutes les haines et voilà qu’à cause de ça, je me retrouve dans ce trou à expier ma peine, ma souffrance, ma rage, pourtant j’aurais voulu autrement. J’aurais aimé faire différemment les choses. J’aurais mieux compris la vie. De ma cellule, je contemple les murs et ils ne m’apportent rien, ils ne me disent rien. Ils me renvoient toute la désolation et le désarroi des personnes avant moi. Il y a longtemps j’ai appris à m’isoler, à me replier et me retenir, séparer mon cœur de mon âme. Je peux le faire encore, je dois le faire pour le dernier moment, pour l’instant fatal  mon corps se séparera de mon âme.

Je ne peux plus parler de bonheur. Je ne peux plus parler de joie. Je ne peux plus parler de regrets. Je suis enfermée dans mon être et il me tarde de m’en séparer. Je n’ai plus peur, elle m’a abandonnée. Je n’ai pas su l’apprivoiser je dois juste apprendre une chose à me pardonner. Je dois oser pour me libérer.

Au loin j’entends des pas et le sol tremble. Les bottes martèlent le carrelage et me signalent que mes bourreaux sont là. Je me lève et regarde une dernière fois la cellule. Le prochain condamné y lira toutes mes pensées.

 

@gtmdc

 

Partager cet article
Repost0

commentaires