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  • Océane Descedres
  • un peu sorcière, un peu fée, selon les moments.
mon premier recueil écrit en espagnol est intitulé: 
pluie de mots.
  • un peu sorcière, un peu fée, selon les moments. mon premier recueil écrit en espagnol est intitulé: pluie de mots.

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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 09:08
Le professeur

 

Je me souviens du professeur de mathématiques Mr Louis Jacard de la sixième. Il a beaucoup compté pour moi car sa présence avait été indispensable à ma réussite. Comme j’étais nulle en la matière, je passais mon temps à me plaindre à mes camarades de classe de ses cours, de ses leçons, de ses explications, de sa présence et même des rares fois de son absence.

Je n’aimais pas le prof de mathématiques, et lui ne m’aimait pas non plus. Il était petit, boursouflé, tout chauve avec de longues moustaches touffues qui lui arrivaient au cou. Il portait toujours hiver comme été un béret beige en velours. Il avait l’habitude de mettre aussi un gilet qui ne le quittait jamais. Il en avait de toutes les couleurs même avec des dessins géométriques, c’était le comble. Je m’amusais à deviner lequel il mettra. Il arrivait en classe avec son petit cartable en cuir noir, le déposait sur son pupitre et se mettait debout devant nous sur l’estrade, les pouces sous les aisselles et en se balançant en avant et arrière, il nous disait bonjour. Il prenait une allure de coq devant son poulailler et nous répétions en chœur à son bonjour avant de nous rassoir, en disant (Bonjour Mr Jacard).

Pendant son cours, je rêvassais. J’étais toujours dans la lune, j’étais partout sauf en classe. Dès qu’il ouvrait la bouche et commençait à parler, je m’en allais vers d’autres lieux, d’autres rivages comme la chanson. Les chiffres, les numéros, les fractions, les équations, les proportionnalités et les pourcentages, les droites parallèles et les droites perpendiculaires, les angles et les bissectrices, les cercles, les triangles et les quadrilatères, c’était du chinois pour moi et les mots valsaient dans l’air en musique éternelle au son de la craie qui crissait sur le tableau.  Mes yeux se fixaient sur les schémas, mais c’est plus le vide que je voyais que le tableau.

Sur mon cahier je griffonnais des vers, des notes, des fleurs, des maisons, des cubes, (je faisais un peu de mathématiques…ha ha ha ), de petites figures qui l’embellissaient et le remplissait. Et sur mes doigts, je dessinais des bagues, des bracelets et des petites breloques sur mon poignée. J’utilisais les bics rouge, vert, noir et bleu. J’ornais mes mains de jolis petits bijoux. Ma camarade de classe assise juste à côté de moi me donnait de  temps en temps des coups de coude en me disant que le professeur me regardait. Mais bien entendu je ne réagissais pas. Il m’arrivait parfois de tendre le bras, de le laisser glisser le long du pupitre, d’y poser la tête dessus comme un signe de lassitude et fermer les yeux, juste un moment. Alors Mr Jacard le professeur de mathématiques hurlait mon prénom et je me redressais en une fraction de seconde…Ha ha ha. C’était le seul moment où une fraction attirait mon attention. 

Tous ces dessins m’ont bien value des désagréments. Une fois, j’ai dû faire le tour de toute ma section en montrant mes mains à tous les élèves et expliquer comment je passais mon temps en cours de mathématiques. J’étais la risée de tous les élèves et de tous les professeurs. Mais cela n’affecta en rien mon égo et mon amour propre au contraire, j’étais flattée de montrer mes œuvres d’art à tout un public. Il ne manquait que les applaudissements. Bien sûr ce jour-là j’ai eu une grosse punition, ce n’était plus des exercices à faire ou une poésie à retenir, mais une retenue à l’école de deux heures après les cours à faire un travail social.

Parfois Mr Jacard me gardait après les cours et me demandait qu’est ce qui ne tournait pas rond dans ma tête et pourquoi j’avais autant de difficultés avec les chiffres. Je me retenais de lui dire que son aspect me révulser et que sa voix nasillarde m’exaspérait. Mais à quoi bon j’arrivais juste à balbutier avec beaucoup de timidité que je ne comprenais pas la leçon. Alors avec infiniment de calme et de sang-froid, il me donnait un rendez-vous matinal juste avant les cours pour m’expliquer rapidement les leçons non comprises en me donnant des exemples absurde à mes yeux. Il lui arrivait de perdre son sang-froid et de noter sur mon cahier de correspondance un petit mot pour mes parents en omettant bien sûr les mots désagréables. Il me donnait parfois comme punition un exercice ou deux de mathématiques, un triangle à dessiner ou des fractions à calculer. Que je devais lui remettre le lendemain. Je m’arrangeais toujours par les faire faire par quelqu’un vu que je ne comprenais rien. Et quand il me demandait si j’avais compris, je bougeais la tête en signe d’acquisition.

 

Calculer à la main :

a. \frac{2}{3}\times 24

b. 5\times \frac{21}{7}

c. 4\times \frac{23}{100}

d. 80\times \frac{7}{4}

 

ou a alors

 

 

Le moment le plus difficile pour moi c’était quand il rendait les copies avec les notes. Il nommait chaque élève et annonçait sa note. Les applaudissements fusaient et au fur et à mesure que les noms allait en decrescendo les notes diminuaient. Les félicitations disparaissaient. Mon nom était toujours en dernier et il ne faisait même plus l’effort de dire ma note. Cela allait de soi qu’un beau cercle tout rond m’était destiné. Au moins j’avais réussi un cercle parfait.

Je m’avançais haussais les épaules et récupérais ma copie avec un grand sourire crispé faute d’éclater en sanglots. On ne peut pas être brave en tout et j’étais nulle en mathématiques.

Je ne me souviens plus comment l’année s’est terminée, mais c’était une longue année. J’en ai un vague souvenir car en avril 1975 la guerre civil éclata. On ferma l’école. Et moi je me suis retrouvée en France sur la côte d’azur, loin de Mr Louis Jacard et de toutes ses équations.

@gtmdc

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